Dans notre société, la communication est centrale et fait partie de notre quotidien. Chaque jour, nous échangeons avec nos proches, nos collègues, mais aussi avec des inconnus que nous croisons le temps d'une journée. Suite à une atteinte neurologique, certaines personnes se retrouvent limitées dans leur capacité de communication, ce qui entraîne de multiples retentissements dans leur quotidien. Anne Gauthier, logopédiste à la Clinique Valmont, nous en apprend plus sur ces troubles de la parole, appelés dysarthrie, et sur les traitements existants. 

  1. Quelle est la différence entre les troubles de la parole et les troubles du langage ?

Les troubles de la parole, regroupés sous le nom de dysarthrie, consistent en des difficultés à la réalisation motrice de la parole. La personne sait ce qu’elle veut dire, dispose des bons mots, mais n’arrive pas à programmer adéquatement l’utilisation de ses muscles pour le faire. Les troubles du langage concernent le langage en tant que fonction plus large, autant au niveau de l’expression (trouver les mots, former des phrases, …) que de la compréhension (de mots, de phrases, de conversations, …), en modalité orale ou écrite.

  1. Quels sont les symptômes les plus fréquents de la dysarthrie ?

Les symptômes varient en fonction de l’atteinte et du type de dysarthrie. On observe souvent l’apparition d’un flou articulatoire, de difficultés de coordination entre le souffle et la voix, d’une modification du débit de parole, du volume, de la hauteur ou du timbre de la voix, d’une perte de l’intonation, des mouvements imprécis ou réduits des muscles du visage. Ces différents éléments peuvent alors entrainer une perte de l’intelligibilité plus ou moins importante.

  1. Quelles sont les pathologies pouvant entraîner une dysarthrie ?

Ce sont des atteintes du système nerveux central ou périphérique, comme les AVC, les tumeurs cérébrales, les traumatismes crânio-cérébraux, des maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson, sclérose en plaque, chorée de Huntington, sclérose latérale amyotrophique, …), ainsi que des maladies neuromusculaires (myasthénie, dystrophies musculaires, …).

  1. Quels sont les impacts au quotidien dans la vie de ces patients ?

L’être humain est dépendant de la communication, qu’elle soit verbale ou non verbale. Nous nous exprimons tous les jours, parfois sans même nous en rendre compte. La perte d’aisance dans la parole peut avoir de multiples retentissements dans le quotidien. Une personne souffrant d’une dysarthrie voit ses échanges relationnels (famille, amis, inconnus) se modifier, tout comme ses relations professionnelles.  Elle peut alors ressentir de la frustration, un stress ou une gêne lorsqu’elle doit s’exprimer, une perte de confiance en soi, une tendance à fuir les situations nécessitant la prise de parole. S’ensuit alors un isolement social, également susceptible d’accentuer le risque de développer des symptômes dépressifs.

  1. Que faites-vous en tant que logopédiste pour y remédier ?

Notre but est avant tout de rétablir rapidement une communication fonctionnelle et agréable entre le patient et ses proches. Tout commence par un bilan de parole complet afin de recueillir les informations nécessaires à l’établissement d’un plan de traitement. Ce bilan comprend une anamnèse détaillée mais aussi un examen pratique des éléments intervenant dans la réalisation de la parole, comme la motricité bucco-linguo-faciale, la respiration, la coordination souffle-voix, la phonation, le débit de parole et l’intelligibilité du discours.

Puis, un plan de traitement est proposé en fonction de la pathologie à l’origine de la dysarthrie, des mécanismes perturbés, et des caractéristiques inhérentes à la personne, tels que la motivation ou les ressources disponibles dans l’entourage. Le traitement se compose de deux axes : la rééducation et/ou la compensation. Des exercices spécifiquement sélectionnés sont proposés dans une visée de rééducation : favoriser une bonne respiration, améliorer l’articulation par des exercices d’agilité verbale, de lecture de textes. Malheureusement, il arrive que la récupération ne soit pas possible ou incomplète. On cherche alors à compenser les difficultés en fournissant des stratégies au patient, telles que le ralentissement du débit ou l’accentuation de l’intonation. Dans les formes plus sévères, des outils de communication augmentée ou de communication alternative sont proposés. La prise en charge logopédique s’étend également aux proches du patient, par un accompagnement au quotidien (écoute, explication des troubles, conseils, …).

  1. Avez-vous des astuces pour aider le patient à mieux communiquer ?

Quelques stratégies peuvent facilement être mises en place pour améliorer la qualité de communication des personnes présentant des troubles de la parole :

  • Contextualiser le sujet (introduire le sujet par une phrase, écrire un mot-clé, désigner un objet/lieu par un geste, …) ;
  • Parler lentement pour laisser à votre interlocuteur le temps de vous comprendre et syllaber lorsque cela n’est pas suffisant ;
  • Raccourcir vos phrases en ne conservant que les éléments essentiels à la compréhension du message ;
  • Modifier votre phrase en changeant le vocabulaire utilisé lorsque l’incompréhension persiste ;
  • Demander à votre interlocuteur une confirmation qu’il vous a bien compris ;
  • Faire des pauses lorsque vous vous sentez fatigué, car le discours est souvent moins intelligible dans ces moments-là ;
  • Utiliser le langage écrit comme soutien (écrire sur un téléphone ou petit carnet).
  1. Quels conseils pourriez-vous donner aux familles de ces patients ?

Il n’est jamais aisé de savoir comment agir pour aider au mieux un proche en difficulté. Pour faciliter la communication, veillez à :  

  • Parler normalement, sans hausser la voix ou ralentir le débit. Présenter une dysarthrie ne signifie pas forcément être sourd ou souffrir de troubles de la compréhension ;
  • Offrir à votre proche l’espace et le temps nécessaires pour s’exprimer et l’impliquer dans les conversations de manière naturelle ;
  • Ne pas terminer ses phrases à sa place et ne pas corriger ses erreurs. Communiquer doit rester un plaisir et conserver un but d’échange et de partage avant tout ;
  • Vous placer bien en face de votre interlocuteur afin de réduire la distance entre vous et par conséquent, les risques d’incompréhension ;
  • Limitez les interférences dues à l’environnement (bruits, distractions, …) ;
  • Observer le visage de votre proche lorsqu’il parle. Les informations non verbales telles que la lecture labiale sont très importantes dans la communication ;
  • Signaler rapidement et calmement lorsqu’une incompréhension survient ;
  • Ne pas montrer qu’on a saisi la teneur des propos si ce n’est pas le cas ;
  • Reformuler les propos en guise de confirmation lorsque cela est nécessaire ;
  • En cas de panne conversationnelle, poser des questions fermées (réponses par oui/non) afin de cerner le sujet traité. Encourager également votre proche à écrire quelques mots ou à dessiner pour vous aider à le comprendre.
     

  Anne Gauthier
  Logopédiste

  CV