L'AVC touche environ 15'000 patients par an en Suisse, dont environ 30% développent une aphasie. Ce trouble du langage affecte la capacité d'une personne à communiquer et entraîne des répercussions importantes sur sa vie quotidienne, tant au niveau social, professionnel ou familial. C'est pourquoi l’aphasie s’avère souvent très difficile à vivre autant pour la personne elle-même que pour ses proches.

Explications avec Florence Dumoulin, logopédiste à la Clinique Valmont.

1. Qu'est-ce que l'aphasie ?

L’aphasie est une perte totale ou partielle du langage suite à une lésion cérébrale. Elle concerne les 4 dimensions du langage : parler, comprendre, lire et écrire. L’aphasie, qui peut être de sévérité variable, peut fortement réduire l’autonomie des patients car elle impacte les activités de la vie quotidienne :

  • Situations sociales : échanger avec les proches, réaliser des activités professionnelles, faire les courses, commander un repas au restaurant, demander des renseignements, téléphoner, etc.
  • Gestion administrative : lire des documents, remplir des formulaires, etc.
  • Les loisirs nécessitant des compétences langagières : lecture, théâtre, etc

2. Quelles sont les causes ?

Les aphasies sont causées par une atteinte cérébrale localisée ou diffuse, survenant la plupart du temps suite à un AVC dans l’hémisphère gauche. Toutefois, elles peuvent aussi apparaître à la suite d’un traumatisme crânien, dans le cadre du développement d’une tumeur ou d’une maladie neurodégénérative.

3. Quels sont les symptômes ?

Le symptôme le plus fréquent est la difficulté à retrouver les mots, qui peut se manifester sous plusieurs formes :

  • Un « manque du mot » : le patient ne retrouve pas le mot qu’il souhaite utiliser
  • L’utilisation d’un mot à la place d’un autre : dire couteau à la place de fourchette
  • L’utilisation d’un mot transformé : dire « fourklette » à la place de fourchette

Dans les cas d’aphasies plus sévères, le patient ne peut parfois s’exprimer que par l’utilisation de petits mots souvent dépourvus de sens par rapport au contexte (oui, non, c’est ça, voilà), des mots qui n’existent pas ou par des répétitions de syllabes.

Il est également possible d’observer des troubles de la construction syntaxique des phrases, notamment dans l’utilisation de verbes ou des prépositions, parfois totalement absents du discours, ou utilisés de façon incorrecte. La personne aphasique peut aussi rencontrer des problèmes de compréhension et ne plus saisir le sens des mots et des phrases. Toutes ces difficultés peuvent se retrouver également à l’écrit, sachant que, parfois, l’utilisation de l’écriture et de la lecture est impossible.

4. Quels sont les traitements proposés ?

La thérapie logopédique doit commencer le plus rapidement et intensivement possible, afin que le cerveau puisse se réorganiser pour compenser ou suppléer les déficits. Elle poursuit des objectifs concrets, déterminés avec le patient et/ou ses proches, en fonction de ses difficultés.

  • Langage oral : exercices pour retrouver les mots plus facilement et améliorer la production des phrases afin que le patient puisse s’exprimer de façon plus fonctionnelle
  • Compréhension orale : exercices visant à ce que le patient comprenne bien ce qui lui est demandé et soit plus adéquat dans les interactions
  • Langage écrit : entraînement de l’écriture, de la lecture et de la compréhension écrite de mots, phrases ou texte, pour que le patient soit, dans la mesure du possible, capable d’utiliser son téléphone, de répondre à son courrier, de lire le journal, ou éventuellement de reprendre une activité professionnelle

La récupération dépend de plusieurs facteurs comme la cause de l’aphasie, la localisation et l’étendue de la lésion, l’âge du patient, sa motivation, etc. Lorsque la récupération n’est pas possible, ou seulement partiellement, nous cherchons à compenser les déficits en se basant sur les capacités préservées du patient et mettons en place des stratégies pour contourner les difficultés et optimiser la communication. Il est aussi possible de proposer des moyens de communication alternatifs en utilisant les gestes ou des images.

En tant que logopédiste, nous veillons également à aider le patient à comprendre ce qui lui arrive et à accepter la situation. L’aphasie étant peu connue, elle suscite de nombreuses questions et peut conduire à des symptômes dépressifs en raison du handicap qu’elle induit.

5. Les répercussions peuvent être importantes au niveau de la vie sociale et professionnelle. Quels conseils pouvez-vous donner aux proches des patients ?

En effet, les proches sont directement impactés par l’apparition d’une aphasie. La situation étant parfois difficile à vivre, il ne faut pas hésiter à demander du soutien.

Au quotidien, les proches peuvent jouer un rôle important dans le processus de récupération et d’adaptation grâce à ses quelques conseils :

  • Veiller à favoriser les contacts sociaux pour limiter l’isolement du patient 
  • Laisser à la personne aphasique du temps pour qu’elle puisse s’exprimer, respecter les tours de parole et éviter de répondre ou de terminer ses phrases à sa place 
  • Parler calmement et plus lentement avec des mots simples, sans infantiliser ni dénaturer le langage 
  • Encourager le recours à une communication multimodale pour faciliter la communication, comme l’utilisation des gestes ou de l’écrit
  • Poser des questions fermées pour que le patient puisse répondre simplement par oui ou non
  • Interrompre le patient quand il répète toujours la même chose et changer de sujet
  • Exprimer son incompréhension, ne pas lui laisser croire que le message a été compris si ce n’est pas le cas ;
  • Reformuler le message pour vérifier qu’il a bien été saisi
  • Favoriser un environnement calme, plus propice à la communication, et privilégier les discussions à deux plutôt qu’en groupe

 

  Florence Dumoulin
  Logopédiste

  CV