INTERVIEW
Environ 20’000 prothèses de genou sont implantées chaque année en Suisse et environ 1 million dans le monde entier. La recherche dans le domaine de l’arthroplastie du genou reste toujours très riche et continue de se développer. L’ère numérique permet l’utilisation de plusieurs nouvelles technologies et génère toujours une évolution remarquable.
1. Comment les prothèses ont-elles évolué au fil du temps ?
Le genou est une articulation complexe, qui se forme entre le fémur et le tibia et le fémur et la rotule, dont les surfaces articulaires sont couvertes de cartilage. L’arthrose correspond à une destruction du cartilage, qui peut se manifester suite à un traumatisme ou, le plus souvent, comme résultat d’une maladie dégénérative. Cette condition peut occasionner des douleurs importantes et une perte de mobilité.
Au milieu du 19ème siècle est née l’idée de l’arthroplastie, qui vise à remplacer le tout ou une partie d’une articulation déficitaire.
En 1891, Dr Themistocles Gluck implante la première prothèse totale du genou, fabriquée d’ivoire. Il s’agit d’une prothèse charnière, fixée à l’os avec du plâtre de paris. Suite à cette intervention, les chirurgiens orthopédistes se sont trouvés confrontés à trois grands problèmes: le matériel utilisé pour les implants, la géométrie des implants et la fixation à l’os. Dans les années 40, la prothèse en acrylique est proposée, puis dans les années 50 le métal, notamment le chrome-cobalt. Malheureusement, ces prothèses ont présenté un taux d’échec élevé principalement dû à un descellement des implants.
L’histoire de l’orthopédie a été marquée par un chirurgien de la hanche, Sir John Charnley, qui invente un concept qui révolutionne la chirurgie orthopédique : l’arthroplastie de la hanche à faible friction avec des implants cimentés. Il utilise un couple de friction de métal sur polyéthylène de haute densité ainsi que du ciment pour os créé par du poly méthacrylate de méthyle. Son concept a inspiré les chirurgiens du genou ainsi que les ingénieurs avec une popularisation progressive de l’arthroplastie du genou.
Dès les années 70, l’intérêt des scientifiques se concentre davantage sur le design et la géométrie des implants. À cette époque naissent les premières prothèses à glissement à partir desquelles les concepts modernes ont évolué.
2. Quelles sont les technologies utilisées aujourd’hui pour la création de prothèses sur-mesure ?
La recherche de la précision lors de la mise en place d’une prothèse totale du genou nous a poussé à utiliser différentes technologies de pointe. Que ce soit pour la planification préopératoire avec la confection des guides de coupe personnalisés, ou pendant la chirurgie, comme l’utilisation de la navigation ou de la chirurgie robotique.
La prothèse sur-mesure est une prothèse personnalisée qui est conçue et confectionnée après étude de l’anatomie spécifique du genou du patient, de sa fonction et de son équilibre articulaire.
Une fois que le chirurgien a posé l’indication, un scanner CT est prévu quelques semaines avant l’opération. Les images reconstituées serviront à la modélisation de l’articulation du genou en 3D. Le chirurgien, avec l’aide d’un logiciel informatique et des ingénieurs, effectue la planification des implants ainsi que l’alignement de la prothèse. Par la suite, les implants sur-mesure seront fabriqués spécialement pour le patient et livrés à la clinique avant l’opération avec un modèle en 3D de l’articulation du genou, des guides de coupe personnalisés ainsi qu’un kit d’instrumentation à usage unique.
3. Quels sont les avantages de ces technologies ?
Historiquement, un alignement mécanique neutre par des coupes osseuses alignées à l’axe mécanique, en redressant la jambe à 180° était privilégié, avec des bons résultats.
Bien que 85 % des patients expriment leur satisfaction générale vis-à-vis de leur PTG (prothèse totale du genou), près de la moitié signalent des problèmes persistants, allant de douleurs résiduelles à des difficultés à monter les escaliers. Il est suspecté que ces derniers soient dus, en grande partie, à des problèmes d’alignement de la prothèse ou de mauvais équilibre ligamentaire.
De plus, la PTG est désormais proposée à des patients plus jeunes, plus actifs, présentant un degré moindre de limitation fonctionnelle et de plus grandes attentes en termes de bénéfices fonctionnels.
Nous savons maintenant que le genou natif n’a pas tendance à être aligné parfaitement et les résections osseuses alignées sur un axe mécanique neutre (180°) ne permettent pas de rétablir l’anatomie « physiologique » des ligaments collatéraux.
Suite à ces constats, nous nous sommes de plus en plus orienté vers une technique de reconstruction anatomique de l’articulation du genou qui vise à restaurer les surfaces articulaires pré-arthrosiques, en respectant l’anatomie et la tension ligamentaire du patient et non pas en l’alternant.
4. Quels sont les bénéfices pour le patient ?
Le patient bénéficie d’une prothèse adaptée à son anatomie, qui ne nécessite pas de compromis anatomiques ou fonctionnels, et élimine le risque des implants disproportionnés.
En d’autres termes, c’est la prothèse qui s’adapte à l’anatomie du patient et non pas le patient qui s’adapte à la prothèse.
Comme la durée de l'opération est réduite, avec une instrumentation simple, il en résulte une diminution du temps d’anesthésie, une limitation des pertes sanguines ainsi qu’un risque infectieux clairement réduit.
En post-opératoire, les douleurs sont diminuées, les amplitudes articulaires sont meilleures et le rétablissement est accéléré.
Il s’agit d’une technique nouvelle, avec d’excellents résultats à court et moyen terme. Il reste à confirmer, dans les études futures, si ces bons résultats se traduisent par une augmentation de la durée de vie de la prothèse.
Dr Nikolaos Varelas Spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie CV |